Goodtech
Tribunes & Opinions

LINAGORA abandonne son ambition de mettre en œuvre une licence AGPLv3 plus ambitieuse : explications

• Bookmarks: 44


À l’occasion du lancement de GOODtech.info, le Président et cofondateur de LINAGORA, Alexandre Zapolsky, s’exprime, pour la première fois, sur les polémiques qui ont entouré ses licences de développement. L’entreprise a décidé de revenir à la licence Affero GPL v3 simple, sans mention ou restrictions supplémentaires. Pourquoi ? C’est ce que l’entrepreneur nous explique.

Après des années à avoir essayé de faire accepter une version de licence AGPLv3 plus libre, en encadrant avec des termes additionnels les conditions de distribution de ses logiciels, LINAGORA décide de faire… machine arrière. Devant la difficulté à convaincre sur le bien-fondé de sa démarche et afin d’apporter de la clarté à son offre, LINAGORA décide de revenir à la licence Affero GPL v3 simple, sans mention ou restrictions supplémentaires.

Carte blanche

« La France et l’Europe, doivent bâtir leurs plateformes numériques souveraines sur des Logiciels Libres. Tous nos logiciels sont, à nouveau, depuis début 2023, sous licence AGPLV3 standard.»

Alexandre zapolsky

Quelle licence choisir pour garantir qu’un logiciel libre est et restera libre, tout en se protégeant des attitudes prédatrices et destructrices d’acteurs tiers qu’ils soient concurrents ou utilisateurs ? 

Telle était la question à laquelle nous avons essayé de répondre, il y a quelques années, avec « notre proposition » d’utiliser une licence AGPLv3 modifiée. Nous voulions une licence libre encore plus restrictive que l’AGPLv3. Comme vous le savez très certainement, l’AGPLv3 protège déjà beaucoup les producteurs de logiciels placés sous cette licence puisqu’y compris les usages de ces solutions en mode cloud sont considérés comme une distribution de l’œuvre.

L’idée initiale

Néanmoins, nous voulions renforcer les obligations de redistribution de l’œuvre en obligeant de redistribuer « à l’identique » les interfaces de nos logiciels en ce qui concerne leur marque et leurs mentions de paternités. En gros, nous disions : « Si vous voulez utiliser librement et gratuitement nos logiciels alors vous avez le droit de le faire si et seulement si vous conservez notre signature (nos mentions de paternité) sur l’œuvre ».

Tout le code restait libre et gratuit pour tout le monde, à la seule condition d’accepter ces mentions de paternités sur les interfaces. En inventant ce modèle, nous pensions bien agir et particulièrement en évitant de tomber dans les modèles Freemium ou COSS (Commercial Open Source Software) qui sont en train de s’imposer comme les modèles économiques principaux des éditeurs de Logiciels Libres.

Le raisonnement complémentaire était de se dire que pour les individus, les associations, les TPE/PME, cela ne posait pas de problème de garder notre signature sur nos interfaces. Néanmoins,  pour  les entreprises ou les grandes administrations qui ne souhaitaient pas garder ces mentions, elles pouvaient les enlever, avec notre accord, à condition qu’elles souscrivent à nos offres de support. 

Une incompréhension

Nous pensions avoir inventé un modèle vertueux de financement de l’innovation libre. Ce qui des décennies après la création du modèle de Logiciel Libre reste un sujet de préoccupation pour beaucoup de développeurs et d’éditeurs de logiciels. 

C’était sans compter sur l’opiniâtreté de quelques-uns qui ont vu là un moyen de s’attaquer à nous. Ils ont mené campagne contre cette évolution possible des licences libres. Nous regrettons que ces personnes plutôt que d’essayer de comprendre pourquoi nous avions adopté ce nouveau type de licence aient fait pression dans les groupes de discussion internationaux pour sortir du champ des Logiciels Libres ce type de licence. Nous en avons pris acte. 

Une décision pragmatique

Nous ne pouvons pas nous permettre d’être en dehors du champ du Logiciel Libre. Le Logiciel Libre est notre raison d’être. Nous avons toujours été des défenseurs du Logiciel Libre. Nous avons toujours pensé que le Libre porte en lui un modèle de numérique plus juste et plus éthique. C’est le combat de LINAGORA (et le mien!) depuis près d’un quart de siècle. 

Aussi, afin de mettre fin à toute polémique, nous avons renoncé à vouloir développer ce modèle de licence plus restrictif et mieux capable de financer le logiciel libre. Depuis le début de l’année 2023, nous avons placé toutes les nouvelles générations de nos logiciels, à nouveau, sous licence AGPLv3 standard. 

Je sollicite par conséquent la Dinum et plus particulièrement l’équipe qui gère le référentiel des logiciels de placer de nouveau nos logiciels (Linshare, Twake, Team Mail) dans la catégorie des Logiciels Libres.

Face aux GAFAM, l’urgence est de bâtir des plateformes souveraines basées sur des communs numériques. 

LINAGORA et ses logiciels ont tout leur place pour participer à construire ces plateformes.

Une recherche de dialogue

Le Logiciel Libre est un sujet passionnant qui n’a pas fini de s’écrire et de se développer. Si vous souhaitez continuer à échanger sur le sujet, n’hésitez pas à m’écrire via mon blog ( www.zapolsky.fr ) ou à venir me rencontrer à l’un des nombreux évènements que nous organisons à la Villa Good Tech, qui est aussi notre siège social, à Issy-les-Moulineaux. La vocation de la Villa Good Tech est justement d’être un lieu de rencontre, de réflexion et d’échanges autour d’un numérique éthique, responsable, durable et engagé. 

C’est à travers l’échange, le dialogue et le respect que nous pouvons progresser tous ensemble. C’est l’esprit du Logiciel Libre. Cela a toujours été le nôtre.

Alexandre Zapolsky, Président et fondateur de LINAGORA

44 recommended
bookmark icon
Mastodon